La Traversée

En décembre reprenons la Traversée — cette création faite l'an dernier avec des collégiens du collège de la Durantière, à Nantes. Collégiens handicapés.

Reprenons donc le sentier de l'école. Les premières répétitions se font dans le gymnase du collège. Retour sur le paysage scolaire, grand espace froid, salle de sport, de sports collectifs. Collectif, allons raccrochons-nous aux bons concepts.

Les ados débarquent en petits groupes, un par un, traine savates et téléphone à la main. Mais enthousiaste énorme des retrouvailles. On se rappelle cet engouement pour la scène, ce temps hors du temps, ce moment intime et partagé que nous avons échangé au mois de mars dernier.

Le fait de ne pas être dans le studio —l'Espace consacré à la danse — ne rend pas la tâche facile. S'il y avait une tâche, mais le désir est là. Côté ados, pas trop celui de l'échauffement dont nous respectons pourtant le temps. Comme d'un rituel ; non pas imposé mais nécessaire, sas  fondamental permettant le passage d’un monde à l’autre.

On se permet ces mots là avec ces adolescents qui ont déjà passé presque deux ans à nos côtés. Et les trois nouveaux arrivants s’intègrent immédiatement à cette dérive poétique à travers les continents.

Chaque groupe retrouve sa mémoire, son espace, son « histoire ». Le gymnase, divisé en deux par un épais rideau, ne nous isole pas du bruitq ue font, de l’autre côté, les joueurs d'un match de basket. Ça ne nous aide pas à la concentration.

Les jours suivant se passent au CCN. Répétition le matin, pique nique dans le foyer et répétition l’après-midi. Le sérieux s’insère doucement dans les esprits. Le trac fait son retour et la représentation explose encore de joie, de corps libérés, d’espaces intérieurs et extérieurs mélangés.

                                           

La reprise d’une pièce a ça de puissant qu’elle permet un approfondissement. On sait où on s’achemine, ils ont goûté la scène, on croit savoir les embûches et le plaisir. Et ce premier temps dans la danse l’an dernier donne la possibilité cette fois-ci de laisser faire les corps.

  derrière la scène pendant la représentation                        

Le handicap ? Il est là, présent et domestiqué, repris dans les gestes et les déambulations, amadoué dans l’entraide, apprivoisé. Nous sommes ensemble dans UN projet. Et cet instant, fugace. Intensément vécu restera inscrit. Que va-t-il laisser comme trace ? Que va-t-il inciter comme décision, comme désir, comme idée ? Qui va-t-il hanté le plus ? Rien n'est dit. Tout est dit.

Le handicap ? Il est là, il reste mais nous avons montré — ensemble— démontré peut-être, le possible, la valeur de l'art, l'importance de l'écoute, la force de la création commune. C'est un pas, un petit pas dans l'immense vie qui les attend. Un pas unique. Mais de plusieurs pas ils feront une marche.