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d'une danse rebelle et passionnée
22 juin 2012

la Sueur

La Sueur

 

 

Dans l'opacité de la nuit qui tombe, la chaleur encore lourde pèse sur la peau. Le corps affalé, nu sur le dossier vieilli, s'est avachi dans le reste des fringues que sa course est venue jeté là, alangui dans le bourdonnement des insectes qui tournent et se repaissent de la chair abandonnée. Sur le front plissé des gouttes d'eau perlent dans les rides que le temps a dessinées, que l'amour a écrites et que les luttes internes ont définitivement inscrites. Les membres éparpillés sur le semblant de lit ne bougent plus, ils frémissent au souvenir des caresses. Là aussi la sueur épanche le trop plein de chaleur que l'homme supporte dans le silence bruissant, sous ses bras noircis de terre collée aux poils, sous son dos arqué par le rêve qui l'envahit, sur son ventre qui s'attache au tissu moite de ses vêtements.

 

La sueur le marque et calque les contours musculeux de son corps sur les traces de la veille, elle s'écoule en un lent goutte-à-goutte qu'il essuie machinalement d'un revers de la main. Dans ses cuisses la peau adhère à la peau qu'en un geste nonchalant il détache, et le goût de cet effort passif arrive à sa bouche. Les mains récoltent la sueur où elle se pose. Il les porte à ses lèvres pour les lécher doucement et se rappelle le goût des autres dans ce nectar du corps.

Cette sueur qui jaillit du crâne quand le corps prend possession des sens et lui donne sa grandeur ne s'arrête jamais. La torpeur d'un climat lourd humecte les pores de sa peau dès le levé du jour et l'ardeur qu'il met à vivre active cette source intarissable.

Il l'aime. Il aime la mêler au corps des autres en un mélange salé et poisseux qui retient l'étreinte jusqu'au baiser. Il aime la saveur de ce suc distillé par l'effort, le fruit de sa passion qui ruissèle derrière lui dans sa danse.

Dans l'après-midi des jours pluvieux il s'enferme dans sa chambre vide et attrape le corps à bras ouvert, pétrissant ses muscles pour qu'il ne soit plus qu'une grosse masse de chair, d'os, de peau, de viscères, d'organes, de veines, canaux lymphatiques et ongles, lèvres, poils, cheveux et tétons, membres, ventre, duquel il chassait la pensée pour ne plus être que de chair.

Par ce rite imposé, qu'il s'impose de lui-même à lui-même, il cherche à extraire de lui ton image qui s'y englue. Et plus la sueur jaillit à flot ininterrompu, plus ses cheveux se plaquent dans sa nuque et plus il retrouve cette odeur que ta peau a marquée sur la sienne.

Il boit. Les litres d'eau ingurgitées ne font que transiter par là, les cannettes de bière ne font qu'augmenter son désir et délirer son mouvement. Il voudrait s'y laver. La chaleur augmente au fur et à mesure que s'intensifie son rituel purificateur qui ne sert à rien, sinon à lui rappeler que le corps n'est qu'un immense réservoir d'émotion et de sensation, gravées à jamais. Désirs refoulables, mais inoubliables. Une mare de sueur s'étend sur le plancher, dans laquelle il s'étale de tout son saoul. Une flaque née de ces gerbes de sueurs s'étend sous ses pieds, énergie concrétisée, tentative vaine de te sortir de lui, tentative heureuse de bouger ses pensées. Isolé dans cette grande chambre déserte comme il l'était en lui-même, il tente de danser l'oubli.

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Commentaires
D
Quand Baudelaire évoque la nouvelle comme : une composition tout entière où il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité; forcément, ta nouvelle est juste, pas par le sens que tu y donnes, celui-ci t'appartient, mais par celui du lecteur; elle accapare, donne par les mots les reflets de ce et ces corps. La force des mots... tout simplement magnifique
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