quelques mots de la suite des évènements
Chaillot : arrivée sur le plateau salle Gémier pour y
créer —enfin— le Prince de Verre marque
une nouvelle étape. La dernière.
Les décors, les costumes qui arrivent au compte-goutte, la
musique, les musiques qui se définissent, l’espace surtout qui nous happe. La
ligne droite cette fois-ci. Plus de coupure d’ici le 10 mars, jour de la première.
La semaine passe comme du miel, les décors, les costumes tout
semble se concerter pour n’apporter presque aucun problème. Même s’il faut
prendre des décisions importantes, notamment en matière de costumes. C’est la
création.
Hélas ! il faut en rabattre et la roue du carrosse se casse.
Je ne sais pas si l’image parle en elle même. Le jour de la générale, Loïg se
fait un peu mal juste à la fin du cour. Une petite douleur dans le haut de la
cuisse, derrière. Il entend un léger clac. Et insidieusement, imperceptiblement
je sais qu’il s’agit là de quelque chose de grave. Et ça l’est.
Comment réagir, que dire que faire ? il est impossible de
penser même à l’annulation. Claude saute dans un costume noir que les ateliers
de Chaillot nous prêtent et de mémoire assume la générale heureusement sans
public.
La pièce vrille, évidemment, cet individu avec un costume qui
s’invite dans l’univers fantasque et coloré fait basculer l’imagerie dans un
surréalisme qui n’est pas sans nous déplaire. Mais c’est rapide, trop rapide et
cela demande des aménagements. D’autres changement, la première est trop proche
et elle trinque un peu (doux euphémisme qui minimise l’impact). Chaque jour
jusqu’au samedi apporte son lot de décisions, disparition de costumes.
Il faut raccourcir la pièce aux emmanchures, lui donner les
quelques heures dont elle a besoin pour se lover dans le décor et surtout dans
les corps. Le public le sent bien qui chaque jour ajoute un rappel. Samedi nous
sommes enfin au bout du tunnel. Allégement chorégraphique et retouche du rythme
finissent par donner à la pièce sont éclat final et juste. Mais n’est-il pas
trop tard ?
Certainement ! le public de la Première ne sera pas
rattrapé. C’est ainsi que le spectacle vivant marque sa trace, la fragilité de
l’instant et l’importance de chaque chose prend ici toute sa force.
Maintenant il faut donner et redonner. Se donner surtout au
public, aux publics. Les enfants arrivent par fournées, les réactions fusent
dans la salle. Nous retrouvons les élèves de l’IUP avec lesquels nous avions
travaillés. Il y a un tel bonheur dans les yeux, dans les corps. Le transfert
s’est fait. L’une d’elles nous demande si le Prince de Verre pourrait être un enfant handicapé. Bien sûr que la différence
de ce petit individu de verre sa vulnérabilité et sa beauté donne à penser au
handicap, à la couleur de la peau, à celui qui pense différemment, à celui
qui se pose autrement parmi les autres. À celui qui s’éprend de la liberté
qu’on lui cache.
Patricia parle d’empathie kinésique. C’est exactement le terme.
Un professeur confesse combien l’au-delà des mots est sensible dans cette
énergie de l’émerveillement.